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Les Français très inégaux devant leur facture d’eau

Une étude de la CGL (confédération générale du logement) reprise par le Figaro pointefacture d'eau de grandes disparités en matière de prix de l’eau suivant sa commune de résidence. Ce constat n’est pas nouveau, et s’explique par le fait qu’il existe une multitude de services d’eau et d’assainissement en France, qui peuvent être gérés directement par les collectivités territoriales (régie) ou confiés à des opérateurs privés (délégation par exemple à Veolia, Suez, la Saur, …), et qui vont chacun fixer leurs prix en fonction des contraintes d’exploitation, de la qualité de la ressource, … Toute la question est alors de savoir si l’eau est à son juste prix !

Il faut également préciser qu’au sein d’une même commune, le prix du m3 n’est pas forcément le même d’un foyer à l’autre. Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que la plupart du temps, les services ont opté pour une tarification binôme, c’est-à-dire que l’usager, lorsqu’il reçoit sa facture, doit payer un abonnement (la part fixe), puis une somme qui sera fonction de sa consommation (la part variable).

Pour comprendre ce mécanisme, il est possible de se référer à cet article que j’avais écrit concernant l’impact de la structure tarifaire sur la facture d’eau.

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Débat sur la structure tarifaire de l’eau

Publication d’Henri Smets, Académie de l’Eau, 2012:

La part fixe dans la tarification de l’eau des ménages

 

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V. aussi dans le blog : L’incidence de la structure tarifaire sur le prix de l’eau

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Tarification binôme et prix de l’eau

Le prix de l’eau en France est d’un peu plus de 3 € du m3. Il s’agit d’une moyenne, qui masque évidemment de grandes disparités suivant la commune où l’on habite. Le prix de l’eau vatarification binôme ainsi varier suivant la qualité de la ressource (moins celle-ci est bonne, plus les traitements de potabilisation sont coûteux), les difficultés d’exploitation du service, la densité de la population à desservir, etc.

Mais au sein d’une même ville, le prix du m3 peut varier d’un usager à l’autre si une tarification binôme a été mise en place : dans ce mode de facturation, il convient de payer en premier lieu un abonnement (on parle aussi de part fixe), et en second lieu une part variable en fonction de sa consommation.

Cela est parfaitement légal. L’article L 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales dispose en effet que  « toute facture d’eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l’abonné et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis ».

Un arrêté du 6 août 2007 plafonne néanmoins la part fixe à 30 % du coût du service pour une consommation annuelle de 120 m3. Ce montant est porté à 40 % pour les communes rurales, et cette limitation de la part fixe ne s’applique pas aux communes classées comme touristiques.

La plupart du temps, les services d’eau et d’assainissement appliquent la tarification binôme, qui va leur permettre d’avoir une meilleure prévisibilité de leurs recettes (car l’abonnement sera de toute façon payé par les usagers, indépendamment de leur consommation d’eau). Mais rien ne les y oblige ! Il est tout à fait possible de ne pas instituer de part fixe ; on parle alors de tarification proportionnelle.

Dans ce dernier cas de figure, les choses sont simples : l’usager va invariablement payer son m3 au même prix. Mais lorsqu’il y a tarification binôme, qui rappelons-le tend à être la règle, cela se complique : plus la consommation augmente, et plus le prix du m3 du baisse. Cette structure tarifaire est donc défavorable aux personnes qui consomment peu d’eau (qu’il s’agisse de personnes seules, ou de foyers qui cherchent à maîtriser leur consommation).

Pour mieux comprendre, voici une simulation faite avec un abonnement annuel de 100 €, dans un service où l’on est exactement à 3 € du m3 pour la consommation de référence de 120 m3 par an (précisons que cette dernière sert de base à toutes les statistiques).

50 m3

80 m3

120 m3

150 m3

200 m3

Facture annuelle

208,34 €

273,34 €

360,00 €

425,00 €

533,33 €

Prix du m3 d’eau

4,17 €

3,42 €

3,00 €

2,83 €

2,67 €

L’on constate bien que le prix du m3 décroît au fur et à mesure que la consommation d’eau augmente. A l’inverse, en dessous de 120 m3, le prix du m3 se renchérit mécaniquement. Quand on sait que la majorité des foyers français consomment moins de 120 m3 par an, on peut d’ores et déjà avancer que les statistiques officielles minorent le prix de l’eau pour la plupart d’entre nous.

Par ailleurs, cette structure tarifaire est intéressante pour les familles nombreuses, mais on peut aussi considérer qu’elle n’incite pas à économiser la ressource ! Cela peut sembler paradoxal alors que nous sommes régulièrement sensibilisés sur la nécessité de modérer notre consommation d’eau.

Il est possible d’y remédier en instituant ce qu’on appelle une tarification progressive : plusieurs tranches de tarification vont alors s’appliquer, avec une augmentation du prix du m3 pour chaque pallier de consommation. Mais dans ce cas de figure, c’est cette fois la famille nombreuse qui risque d’être pénalisée, sauf à corréler cette tarification progressive à la composition du foyer.

On le voit, le choix tarifaire de la collectivité est loin d’être neutre sur le prix de l’eau ! Il convient donc d’effectuer des simulations pour vérifier qu’une catégorie de consommateurs n’est pas lésée. C’est d’autant plus nécessaire que la loi sur l’eau de 2006 pose un droit à l’eau à des conditions économiquement acceptables par tous. Il existe certes des aides au paiement des factures pour les personnes qui éprouvent des difficultés financières, mais lorsque ces dispositifs doivent être actionnés trop fréquemment, n’est-ce pas la preuve que la structure tarifaire peut être améliorée ?

La tarification de l’eau peut ainsi être vue comme un véritable instrument de la politique sociale et environnementale des collectivités locales.

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