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Suremballage : de la vacuité d’une boite de crackers

Peut-être l’avez-vous déjà remarqué, certains produits alimentaires que l’on achète semblent ne pas avoir hérité d’un emballage à leur juste taille, un peu comme si l’on achetait un pull XXL alors qu’un L suffirait amplement. C’est ce que l’on appelle du suremballage. Les exemples tendent toutefois à diminuer, car à l’aune du développement durable, les industriels sont un peu plus regardants. L’achat d’une boite de crackers Bénénuts permet toutefois de se rendre compte qu’une rechute est possible :

suremballage

Les Apéro Cracks Maxi Craquants (c’est leur “petit” nom) sont également maxi emballés ! Pour bien s’en rendre compte, faisons une comparaison avec une autre boite de biscuits apéritifs de chez Belin. La différence de volume est assez substantielle, mais ce n’est pas tout : contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a PLUS de poids de produit chez Belin, 105 grammes contre seulement 90 grammes chez les Cracks de l’apéro. C’est une question de densité me direz-vous. Ouvrons le paquet :

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C’est donc le grand vide. Le produit remplit à peine la moitié du paquet ! C’est un cas flagrant de suremballage. Par contre, au niveau du prix, les Maxi Cracks Apéro Craquants (pardon, je m’embrouille) retrouvent de la consistance : 13,22 € du kilo chez Carrefour, contre 8 € du kilo pour les Belin Monaco. Il faut cependant le concéder, ces derniers ont le tort de ne pas être nouveaux (et de ne pas contenir d’herbes méditerranéennes).

Les bonnes vieilles recettes du marketing

A ce stade, il est loisible de se poser une question : pourquoi un industriel recourt à un emballage inutilement disproportionné, ce qui augmente ses coûts (plus de matière première, plus de transport, …) ? La justification est évidemment purement marketing : pour vendre, le produit se doit d’être visible (c’est ce que l’on appelle le “facing”). Plus un produit occupe de l’espace, plus il est visible et donc augmente ses chances d’aguicher le consommateur. C’est ce parti que semble avoir pris Bénénuts. Ce faisant, il est pourtant dans l’illégalité.

Ce que dit la réglementation en matière de suremballage

L’article R 543-44 du code de l’environnement est très clair : “L’emballage doit être conçu et fabriqué de manière à limiter son volume et sa masse au minimum nécessaire pour assurer un niveau suffisant de sécurité, d’hygiène et d’acceptabilité”. Rien ne justifie donc cette extravagance, Bénénuts pourrait en conséquence être poursuivi, avec une amende assez substantielle à la clé : 450 € (contravention de la 3ème classe) multiplié par le nombre d’emballages concernés !

Le fait est que les condamnations sont rares pour ne pas dire inexistantes. Pourtant, les exemples ne manquent pas, comme pour cet ordinateur portable acheté sur Internet et livré dans un carton comment dire… inadapté ?

suremballage

 

Et le consommateur dans tout ca ?

Le consommateur a tendance à l’oublier, mais c’est lui qui paie ses emballages, qui font partie intégrante du prix de vente. Et il paiera une seconde fois pour le traitement de l’emballage devenu déchet (voir cet article). Le suremballage coûte donc cher…

Plusieurs entreprises font cependant des efforts avec ce que l’on appelle l’écoconception. Des bonnes pratiques existent et sont notamment prônées par le Conseil National de l’emballage, une instance créée par les professionnels. Certains emballages se sont ainsi considérablement allégés ces dernières années (bouteilles d’eau, paquets de chips, boites de biscuits, …).

En tout état de cause, on a le pouvoir d’agir par ses choix de consommation. On peut privilégier les gros conditionnements lorsqu’ils sont disponibles, ou le vrac. Mais la meilleure façon d’interpeller un professionnel, c’est encore de ne plus acheter les produits qui donnent dans le suremballage. Bye bye les Apéro Cracks Bénénuts !




Le coût de notre poubelle, ou pourquoi moins jeter (?)

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Briques alimentaires compactées

C’est un geste machinal que nous répétons plusieurs fois par jour : nous jetons à la poubelle ce qui est cassé, périmé, dépassé, en gros ce dont on n’a plus besoin. Il peut s’agir de restes alimentaires, d’emballages, d’une ampoule usagée, de la cafetière qui vient de rendre l’âme, de journaux et autres magazines, etc. La plupart d’entre nous ignorent ce que vont devenir ces objets du quotidien requalifiés déchets, et combien cela coûte. Car c’est bien nous qui finançons le devenir de  nos poubelles !

Que dépense-t-on pour la gestion de nous poubelles ?

En France, le coût annuel global des déchets est évalué à 15 milliards d’euros par l’ADEME, avec une règle de base assez simple, celle du pollueur-payeur. C’est la personne qui crée le déchet qui doit financer son traitement. Ainsi, le fait de jeter à la poubelle a des conséquences pour notre porte-monnaie !

Nous payons le traitement de nos déchets à différents niveaux. On doit ainsi régler chaque année un impôt local, la taxe ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM ou REOM).  Il est à noter que pour un locataire, cela peut être inclus dans les charges, car c’est au propriétaire de s’acquitter de la TEOM ou de la REOM en même temps que la taxe foncière.

Ce que nous savons moins, c’est que nous payons aussi pour nos déchets dans notre consommation. A partir du moment où il y a une collecte sélective (par exemple, le bac jaune pour les déchets d’emballages, les collecteurs de piles ou d’ampoules basse consommation dans les grandes surfaces, les collecteurs de vêtements sur la voie publique, …), une fraction du prix versé lorsque nous achetons le produit concerné servira au financement de la fin de vie de celui-ci. Si vous achetez un pack de jus d’orange, vous achetez également les emballages qui vont avec, et vous financez leur traitement en tant que déchet (dans l’idéal leur recyclage si vous le triez bien :-)). Cette ponction reste assez méconnue, car elle est invisible, sauf pour les produits électriques ou électroniques, où une “éco-participation” est mentionnée à côté du prix.

Comment réduire la facture en tant que consommateur ?

En toute logique, le fait de moins jeter et/ou de moins consommer devrait faire baisser l’impact financier de nos déchets. Ce n’est pas aussi simple. En effet, la fiscalité des déchets ne tient pas toujours compte du poids de nos poubelles. Ainsi, la TEOM n’est pas calculée en fonction du volume des ordures collectées. Les choses évoluent cependant, avec la mise en place de redevances dites incitatives, avec par exemple un calcul au poids qui sera effectué pour chaque usager. C’est notamment le cas à Besançon ; la facture doit donc en principe baisser pour ceux qui sollicitent le moins leur poubelle, mais le système nécessite d’investir dans des équipements spécifiques, et les effets sont moins visibles dans les immeubles collectifs (pas d’individualisation).

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Poubelles de collecte sélective

Au quotidien, il est également possible d’agir par différents gestes pour réduire ses déchets, et donc leur coût : acheter et consommer moins emballé, bien gérer la conservation des denrées alimentaires ou encore se mettre au lombricompostage. Enfin, trier ses déchets, c’est permettre le recyclage de matériaux qui prennent de plus en plus de valeur (leur revente permet ainsi de baisser la facture du traitement des déchets).

Il ne faut cependant pas perdre de vue que nous n’avons pas toujours le choix dans nos achats, c’est également aux professionnels d’agir.

L’implication des professionnels

On parle de plus en plus de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (la RSE). La Loi Grenelle I a posé un objectif de réduction des déchets qui passe par une exigence d’écoconception pour les professionnels. Il s’agit de concevoir et fabriquer des produits qui généreront le moins de déchets possible, et qui seront recyclables facilement. Par exemple, l’article R. 543-44 du code de l’environnement dispose que les emballages des produits doivent le plus possible être limités en volume et en poids par les producteurs, et doivent réduire au maximum leur incidence sur l’environnement.

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Appareils électroménagers en fin de vie

Les professionnels ne jouent pas toujours le jeu. Nous avons déjà eu l’occasion de parler de l’obsolescence programmée de certains produits. Par ailleurs, la pratique du suremballage existe toujours. Et puis les déchets, c’est de la croissance économique pour certains industriels, et c’est donc intéressant du point de vue du PIB. La logique économique n’est pas toujours celle du moins de déchet possible. Juste un exemple qui m’a frappé récemment, celui des essuie-glaces. Pour commencer, ils ont une durée de vie très limitée, n’est-ce pas étrange qu’ils soient déjà usés au bout de quelques mois ? Mais surtout, pourquoi ne pas simplement permettre de changer la languette de caoutchouc ? Ce serait moins cher pour le consommateur, et il y aurait moins de déchets à la clé, donc moins d’impact environnemental !  Eh bien non, il faut payer plein pot pour racheter toute la ferraille et envoyer les anciens ad patres. On a parlé de coût des déchets, finissons sur ce coup de gueule ! Il est possible d’alléger nos poubelles par des choix de consommation, mais il faut aussi interpeller les industriels pour changer certaines pratiques.

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Mythes et réalités du recyclage des emballages

Nous sommes régulièrement sensibilisés à la nécessité impérieuse de trier nos déchets. Ainsi, d’années en années, les collectes dites sélectives se sont développées : les emballages, les piles, les appareils électriques et électroniques, les lampes, ou encore plus récemment les vêtements. Ces différents dispositifs permettent de recycler des matériaux qui pendant longtemps alimentaient les incinérateurs ou partaient en centre d’enfouissement. C’est un progrès.

Concernant les déchets d’emballages, la mise en place de la filière date de 1992, avec la naissance d’Eco-Emballages, société chargée de mettre en place la collecte et de la financer. Pour nous inciter à trier, l’éco-organisme diffuse notamment ce genre de publicité :

Le message est plutôt idyllique : les gens trient pour un monde meilleur, celui de l’économie circulaire où les emballages usagés redeviennent des emballages. La réalité est un peu moins rose. 20 ans après le démarrage de la filière, nous atteignons péniblement 64 % de taux de recyclage des emballages (alors que l’article 46 de la loi Grenelle I, votée en 2009, prévoyait un taux de recyclage de 75 % en 2012). Ce chiffre masque par ailleurs de grandes disparités suivant les matériaux concernés : ainsi, on ne recycle que 36 % des emballages en aluminium, et que 22,5 % des emballages en plastique  (source : rapport d’activité 2010 d’Eco-Emballages). Atteindre 100 % de recyclage semble illusoire.

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Collecte sélective au Mali

Il convient en effet de rappeler quelques vérités. Tout d’abord, c’est bien évidemment le consommateur qui est au coeur du dispositif : c’est lui qui trie ! Et disons le tout net, trier, c’est certes nécessaire, mais c’est contraignant, particulièrement pour les emballages. Car il ne suffit pas de mettre l’ensemble de ses déchets d’emballage de côté, il faut respecter des consignes de tri. En effet, tous les emballages ne se recyclent pas. Ainsi, pour le plastique, seuls en principe les bouteilles et flacons se recyclent (bouteille d’eau, flacon de liquide-vaisselle, gel douche, …). Et toutes les villes n’ont pas forcément les mêmes consignes de tri !

Certaines personnes ne feront jamais l’effort de trier, d’autres le font, mais en commettant des erreurs (exemple : les verres de table ne se recyclent pas ! Ce ne sont pas des emballages, et ils ont une teneur en plomb trop élevée).

Ensuite, tout ce qui est acheminé en centre de tri ne sera pas recyclé : il y a des erreurs d’aiguillage, des problèmes de qualité du gisement (cartons souillés par exemple), des impératifs logistiques. Par ailleurs, les matières recyclées ne  refont pas nécessairement des emballages. C’est particulièrement vrai pour le plastique, qui alimente d’autres filières (mobilier de jardin, tuyaux, vêtements, …). L’économie circulaire n’existe donc pas vraiment. Enfin, le recyclage n’est pas neutre sur le plan environnemental ; refondre du verre, par exemple, consomme énormément d’énergie.

Non content de trier, le consommateur paie également le dispositif, sanrecyclages forcément le savoir : sur tout produit emballé figure le “point vert” (logo ci-contre), qui symbolise une contribution financière versée à Eco-Emballages (et non le fait que l’emballage est recyclable !). Ainsi, lorsque nous achetons un produit emballé, une part du prix payé revient à Eco-Emballages ; cela représente plus de 500 millions d’euros par an.

Il faut donc ici rappeler que si le tri des déchets et le recyclage sont évidemment à encourager, c’est la réduction à la source qui est à privilégier du point de vue environnemental. C’est ce qui est d’ailleurs inscrit dans l’article L 541-1 du code de l’environnement : la prévention des déchets est la priorité.

En matière d’emballages, cet objectif est à notre portée avec des gestes simples qui peuvent également nous permettent de faire des économies : acheter en vrac, préférer les gros conditionnements, prévenir le gaspillage alimentaire, cuisiner plutôt que  manger des plats préparés, ou encore abandonner l’eau en bouteille pour l’eau du robinet. Pour le reste, trions la nuit, trions le jour, trions encore, trions toujours !

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