Le préjudice corporel : comment le réparer ?

Accident, agression, catastrophe naturelle… les causes d’un préjudice corporel sont multiples. Si la responsabilité d’un tiers peut être recherchée, la victime pourra espérer obtenir réparation de son préjudice (étantpréjudice corporel précisé qu’en l’absence de tiers responsable, une assurance peut éventuellement intervenir). Sur le plan juridique, le droit prévoit ce que l’on appelle un principe de réparation intégrale du préjudice : il faut rétablir la situation de la victime avant le fait dommageable. Mais, s’agissant d’une réparation indemnitaire, cette réparation est nécessairement imparfaite pour la victime, qui est atteinte dans sa chair ou son âme. Comment le droit procède-t-il pour garantir la juste indemnisation de la victime, et l’effectivité de cette indemnisation ?

Le préjudice corporel ventilé par postes de préjudices

Le préjudice corporel regroupe plusieurs préjudices distincts, qui ont été classés dans une nomenclature qui est désormais très largement utilisée : la nomenclature Dintilhac.

Cette classification distingue tout d’abord les préjudices patrimoniaux (qui ont une valeur économique, et qui sont les dépenses ou les manques à gagner générés par le fait dommageable) et les préjudices extra-patrimoniaux (qui concernent la personne de la victime). Une deuxième distinction s’opère ensuite pour ces deux types de préjudice, suivant leur caractère temporaire ou permanent. La frontière entre les deux est la consolidation, à savoir la date de guérison de la victime ou la date à laquelle l’état de santé ne peut plus s’améliorer (il subsiste donc des séquelles définitives).

Ainsi, les préjudices patrimoniaux englobent notamment les pertes de salaires et les dépenses de santé. Il convient de préciser que les préjudices après consolidation vont devoir faire l’objet d’une évaluation, car on ne peut les chiffrer avec certitude. La perte de gains professionnels futurs (PGPF) devra donc être déterminée en tenant compte de l’évolution de carrière prévisible, de l’inflation, de l’espérance de vie.

Les préjudices extra-patrimoniaux englobent notamment le déficit fonctionnel, qui est l’invalidité subie par la victime de manière temporaire tout d’abord (le DFT), et éventuellement de manière définitive (DFP). Les souffrances endurées (SE) correspondent quant à elles à toutes les douleurs physiques et psychiques jusqu’à la consolidation. Après consolidation, ces souffrances sont prises en compte dans le déficit fonctionnel permanent (DFP). Le préjudice esthétique temporaire (PET) correspond pour sa part à l’impact visuel : blessures, pansements, plâtre, béquilles… Une cicatrice relèvera par contre d’un préjudice esthétique permanent (PEP).

Comment évaluer et indemniser le préjudice corporel ?

L’indemnisation du préjudice corporel peut s’effectuer dans un cadre amiable (négociation avec le responsable, ou un assureur), ou dans un cadre judiciaire (c’est un juge qui va statuer). Quel que soit le cas de figure, certains postes de préjudice nécessitent d’être évalués par un médecin. On va donc recourir à une expertise.

Le médecin va recevoir la victime, qui peut être assistée d’un avocat, pour l’examiner. Il s’agit de coter les postes de préjudice pertinents. L’expert va notamment déterminer la durée du DFT, et son intensité : DFT total, DFT de classe IV (75%), de classe III (50%); de classe II (25%) ou de classe I (10%). L’expert fixera également la date de consolidation si c’est possible à la date de l’expertise. Certains postes de préjudice sont cotés sur une échelle de 0 à 7 : il en va par exemple ainsi des souffrances endurées (SE), du préjudice esthétique temporaire (PET) ou du préjudice esthétique permanent (PEP).

S’il subsiste des séquelles après consolidation, l’expert déterminera un déficit fonctionnel permanent (DFP), qui représente une atteinte physique, psychologique ou intellectuelle définitive. Cette incapacité est fixée en pourcentage.

En tous les cas, ce n’est pas l’expert qui fixe le montant de l’indemnisation, il évalue médicalement les dommages. Il convient donc ensuite de déterminer cette indemnisation par poste de préjudice. Les sommes doivent être déterminées au cas par cas, mais il faut savoir qu’il existe des barèmes indicatifs. Les juges notamment peuvent s’en inspirer. De plus, les décisions rendues par les tribunaux permettent de connaître les pratiques d’indemnisation.

Ainsi, le DFT est généralement indemnisé entre 25 et 30 € par jour (si le DFT est partiel, on applique le pourcentage correspondant).

Les postes de préjudices cotés sur 7 sont globalement indemnisés de la manière suivante :

1/7 très léger

2/7 léger

3/7 modéré

4/7 moyen

5/7 assez important

6/7 important

7/7 très important

jusqu’à 2.000

2.000 à 4.000

4.000 à 8.000

8.000 à 20.000

20.000 à 35.000

35.000 à 50.000

50.000 à 80.000 €

Concernant le DFP, on peut se référer à la table suivante : DFP

Par exemple, une personne de 46 ans ayant un DFP de 3 % pourra être indemnisée à hauteur de 1.580 € du point, soit 1.580 € x 3 = 4.740 €.

Autre exemple, une personne de 19 ans ayant un DFP de 18 % pourra être indemnisée à hauteur de 3.135 € du point, soit 3.135 € x 18 = 56.430 €.

Concernant les préjudices patrimoniaux, il conviendra notamment d’indemniser les frais générés par les soins, les pertes de revenus actuelles (PGPA), mais aussi futures si la personne ne pourra plus exercer une activité professionnelle (PGPF). La victime peut alors percevoir une rente pour le reste de sa vie (rente viagère), mais le versement peut aussi s’effectuer une seule fois en capital. Il faut alors utiliser ce qu’on appelle une table de capitalisation, qui va permettre de convertir la rente en capital à l’aide d’un coefficient multiplicateur déterminé en fonction de l’âge de la victime, de son espérance de vie, de l’évolution prévisible de l’inflation et des taux d’intérêts.

La table de capitalisation la plus utilisée est celle publié par la Gazette du palais.

Pour être complet, il faut savoir qu’une partie du préjudice de la victime peut être assumée par ce qu’on appelle des tiers payeurs : les frais de santé peuvent ainsi être réglés par la CPAM ou une mutuelle. La victime sera indemnisée de son reste à charge, les tiers payeurs disposant quant à eux de recours pour se faire rembourser ce qu’ils ont réglé.

L’effectivité de l’indemnisation du préjudice corporel

A ce stade, on se rend compte que l’indemnisation d’un préjudice corporel peut représenter des sommes très conséquentes. Une fois le préjudice de la victime liquidé, se pose la question du versement de l’indemnisation. En principe, c’est l’auteur du dommage qui doit payer. Néanmoins, la victime risque alors de se heurter à son insolvabilité. c’est pourquoi il peut être préférable de faire intervenir, si possible, un assureur. Ce dernier indemnisera alors la victime, et pourra par la suite se retourner contre le responsable.

Concernant les accidents de la route causés par un véhicule motorisé, une loi du 5 juillet 1985 dite loi Badinter a mis en place un régime spécial d’indemnisation qui privilégie l’indemnisation par les assureurs automobiles.

Dans certains cas, la victime peut être indemnisée par un fonds d’indemnisation au titre de la solidarité nationale. En matière pénale, il est ainsi possible à certaines conditions de solliciter la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infraction). C’est le cas par exemple pour les victimes de viol, d’agression sexuelle, ou de violences ayant causé une ITT d’au moins 30 jours.

Réparation du préjudice corporel : quelle plus-value de l’intervention d’un avocat ?

Le droit du dommage corporel est une matière technique. Le recours à un avocat peut être vu comme un coût qui va diminuer le montant de l’indemnisation. Ce n’est pas forcément un bon raisonnement, notamment lorsque la victime est face à un assureur. Par sa connaissance de la jurisprudence, des formules de calcul, et sa propension à vouloir obtenir le meilleur résultat possible pour son client, l’avocat peut obtenir une indemnisation plus avantageuse, même en tenant compte de ses honoraires.

A un moment difficile de sa vie où elle est nécessairement fragilisée, la victime a donc tout intérêt à faire confiance à un avocat pour faire valoir ses droits.